Repenser la démographie

N'est plus vieux qui l'était

On connaît la chanson : la population vieillit, la main-d’œuvre se raréfie, et les coûts des services de santé ne cessent de gonfler.

Tout cela repose sur une approche classique de la démographie basée sur l’âge moyen de la population et le poids relatif de ses cohortes de 20, 40 ou 60 ans.

Marcel et Sébastien Boyer proposent d’analyser la démographie à partir plutôt de l’espérance de vie moyenne. Cela change significativement la donne.

Premier constat : la durée de vie moyenne augmente. En 1950, un Canadien de 35 ans pouvait espérer rester encore 38,6 ans dans ce monde. En 2010, l’espérance de vie d’un mi-trentenaire était passée à 46,8 ans.

Les chercheurs Marcel et Sébastien Boyer notent aussi qu’une personne qui a 60 ans aujourd’hui a la même espérance de vie que celle qui avait 50 ans en 1959. Voilà qui explique peut-être pourquoi bien des gens qui ont atteint l’âge de toucher des chèques de Sécurité de la vieillesse désirent plutôt rester sur le marché du travail.

D’où le titre de leur analyse publiée par l’Institut C.D. Howe la semaine dernière : The Main Challenge of Our Times: A Population Growing Younger (Le grand défi de notre époque : une population qui rajeunit).

La notion de vieillesse est toute relative et devrait être associée non pas à l’âge, mais à la proximité de la mort.

« On peut mesurer l’âge en fonction des années qui restent à vivre plutôt que des années vécues, écrivent-ils. Les politiques publiques peuvent être repensées pour favoriser l’adaptation, la flexibilité et l’innovation parmi les travailleurs soi-disant plus âgés. »

S’il demeure improbable que le taux d’emploi des 60 ans et plus atteigne celui des travailleurs plus jeunes, il augmente et peut continuer d’augmenter. De 2000 à 2011, il est passé de 13 % à 23 %. Chez les 65 à 69 ans, il était de 20 %, en 2010.

Toujours en 2010, les 65 ans et plus représentaient 2,7 % de la population active (celle qui détient ou cherche un emploi) au Canada. C’est beaucoup moins que les 4,3 % observés aux États-Unis, mais bien plus que la très faible marque de 0,5 % en France.

Les auteurs préconisent la liberté de choix en la matière, ce qui signifie aussi que les politiques en place ne devraient pas pousser à la retraite ceux et celles qui désirent encore travailler.

Plusieurs sexagénaires désirent amorcer une deuxième carrière, qui dans la vente au détail, qui dans les services de santé ou l’enseignement. La fiscalité et les régimes de retraite publics et privés ne devraient pas représenter des obstacles. Les auteurs suggèrent même qu’un travailleur puisse toucher des prestations de retraite durant l’apprentissage d’un nouveau métier ou une formation professionnelle et se remettre à cotiser lors de son retour sur le marché du travail.

MM. Boyer formulent six recommandations pour favoriser les gens et les inciter à demeurer plus longtemps sur le marché du travail, si tel est leur désir. Toutes portent sur des amendements aux lois du travail, à l’exception d’une qui porte sur les conditions d’indemnités de fin d’emploi qui ne devraient pas faire obstacle au début d’une nouvelle carrière.

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